La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) propose un appui technique, organisationnel et stratégique aux MDPH.
Sous le motif que les associations dites représentatives des personnes handicapées se plaignaient du manque d’homogénéité sur l’ensemble du pays dans l’évaluation des heures de PCH aide humaine, la CNSA a élaboré un Guide PCH aide humaine : Appui aux pratiques des équipes pluridisciplinaires des MDPH.
Ce guide ne prend plus en compte le projet de vie de la personne et établit des nouveaux critères d’évaluation qui vont à l’encontre de la loi 2005 et qui ne font que restreindre nos autonomies, nos libertés de décision en nous réduisant à l’état d’objet.
Une période « test » de ce guide se termine en août 2016 dans dix MDPH et en Ille et Vilaine, nous notons une nette tendance à la baisse des plans PCH d’aide humaine.
HANDICAP 2016
Après le recul sur l’accessibilité, s’amorce le recul sur les heures d’aide humaine
En 2005, quelques « esprits éclairés » ont réussi à imaginer, rédiger et créer ce que l’on a appelé la loi 2005, dite de l’égalité des chances.
Celle-ci reconnaît entre autres, dans l’esprit, la personne handicapée comme « sujet » en la mettant au centre d’un dispositif pouvant lui permettre de compenser ses handicaps, en respectant son « projet de vie », par nature mouvant et évolutif.
Les textes d’application ont été conçus cette fois par des personnes, certes moins éclairées, mais qui tentaient de respecter l’esprit de cette loi, même si plusieurs points restaient dans l’ombre, notamment tout ce qui concerne les taches dites « ménagères », non prise en compte (ménage, préparation des repas etc.)
C’est donc essentiellement «l’annexe 2.5 du CASF » qui servait jusqu’à présent de principal texte d’application de la loi.
Dans cette annexe, sont fixées notamment des « durées » pour chaque acte essentiel défini par la loi. Pour l’alimentation, par exemple, un maximum de 105 minutes par jour peut être attribué pour aider la personne à manger, tout en reconnaissant que ces temps peuvent être « majorés » en fonctions des pathologies différentes.
Cette annexe rappelle qu’il est nécessaire de tenir compte du Projet de Vie de la personne handicapée lors de l’évaluation de ses besoins de compensation.
« Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne »
Cependant, en 2013, sous l’égide de la CNSA, certains représentants de MDPH se sont réunis, pour « re-visiter » le chapitre des heures d’aide humaine de la Prestation de Compensation du Handicap.
L’objectif avoué de cette étude était d’obtenir « un consensus élaboré entre les professionnels des MDPH, qui complétera ces approches en vue d’améliorer l’égalité de traitement sur le territoire »
Effectivement, depuis 2006, année de création des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, on a pu constater au fil du temps, des « interprétations » différentes dans l’application de la loi, faisant apparaître des différences de traitement entre les départements, surtout en ce qui concerne les heures d’aide humaine.
Ce « travail » ainsi entrepris a débouché sur un document dénommé :
APPUI AUX PRATIQUES DES ÉQUIPES PLURIDISCIPLINAIRES DE MDPH – GUIDE PCH AIDE HUMAINE
Ce document « décortique » tous les aspects « heures d’aide humaines » de la PCH , allant bien au-delà de l’annexe 2.5 du CASF, ayant pour résultat de diminuer le nombre d’heures pouvant être accordées.
Il prétend assurer une égalité de traitement en minutant le moindre « geste » déterminant, avec pour objectif de fixer un minutage « moyen », qui sera attribué aux personnes en situation de handicap.
Pour établir ces minutages, les participants de ce groupe de travail, manquant sans doute d’imagination, se sont basés sur la grille Luxembourgeoise :
« Les temps indicatifs proposés dans la colonne « durée moyenne de la suppléance complète quotidienne pour la sous-activité » sont basés sur la grille luxembourgeoise2 »
Ce document reconnaît qu’il peut y avoir des facteurs aggravants
« L’impact des facteurs aggravants et des environnements facilitateurs sera apprécié par les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire au cas par cas. »
Ce qui revient à dire que le « cas par cas » subsiste, comme avant…sauf que les MDPH qui commencent à utiliser ce document depuis le 1er Janvier 2016, (10 en France) appliquent uniquement les temps moyens, et l’on assiste actuellement, dans les départements concernés à une baisse considérable du nombre d’heures attribuées.
Tentons d’analyser un des « tableaux EXCEL », livré avec le document. (à partir de la page 67)
Les évaluateurs remplissent des cases, et obtiennent directement un résultat.
C’est donc la grille d’évaluation, minutée, pour « donner à manger » à une personne handicapée,
Et quand tout ça est fait…hop l’handicapé a 5 minutes pour avaler son petit déjeuner
L « ’handicapé », car dans ce registre l’on ne peut plus parler de « personne handicapée », il n’y a plus d’empathie ni de respect de la personne, les : bonjour, comment allez vous, préférez vous ce matin du thé ou du café, votre nuit s’est-elle bien passée, avez-vous des projets aujourd’hui, vous avez entendu aux informations…., on ne parle pas, on ne communique pas, on mange …en 5 minutes.
Le constat est identique dans toutes les autres grilles proposées dans ce document.
C’est ainsi, très insidieusement que l’on passe de la personne handicapée considérée comme « sujet »
A l’handicapé comme « objet »
Une des raisons du projet de vie des personnes handicapées désirant avoir une vie autonome à domicile, est, entre autres, la déshumanisation du traitement en institution, du à un minutage imposé pour le « rendement » des taches effectuées par le personnel.
Les MDPH en imposant un minutage ahurissant, vont réaliser le tour de force de transposer à domicile ce pour quoi les personnes en situation de handicap fuient les institutions.
On comprend mieux maintenant pourquoi les heures attribuées sont en baisse.
Les « évaluateurs », et « les équipes pluridisciplinaires » sont incités à baisser le nombre d’heures, à travers d’arguments parfois fallacieux.
Voici quelques exemples au hasard de ce guide :
Page 13 : Il est en particulier essentiel de tenir compte des éléments facilitateurs (dont les aides techniques, les aménagements d’environnement etc …)
Page 14 : Le temps maximum ne correspond donc pas à une situation moyenne pour une personne totalement dépendante mais bien à la situation la plus lourde au regard de facteurs aggravants.
Page 22 : ( pour les « Ex » 24/24 h )
Afin de déterminer ce temps et compte tenu du fait que les interventions sont itératives et « diffuses » toute la journée, il est probablement plus opérationnel de retrancher des 24h les temps
où aucune intervention ou surveillance n’est nécessaire :
temps de sommeil de la personne,
temps de présence d’acteurs de soins,
temps d’accueil de jour,
temps dans la journée ou dans la nuit où la personne peut rester seule,
Restons sur ce dernier point, car j’ai assisté à une évaluation où le représentant de la MDPH posait cette question … que voulez-vous que la personne handicapée réponde à cette question ? entre 0 et 24 heures, oui, mais… pour faire quoi ? pour vivre comment ?
Par expérience, pour avoir assisté à une multitude d’évaluations et de CDAPH, aux côtés des demandeurs, il est indéniable que les personnes en situation de handicap ont une très forte tendance à minimiser leurs besoins, par « pudeur » ou pour des raisons de « non demande d’assistance ».
Si l’évaluateur ne sait pas « percevoir » ces situations, forcément cela se ressentira sur l’attribution des heures d’aide humaine.
Pour en terminer, je voulais insister également sur le sort réservé aux « aidants familiaux »
La MDPH35 avait annoncé depuis le 1er janvier 2016 de nouveaux « critères » d’évaluation, dont celui-ci :
- la personne handicapée vit-elle seule ou non ?
Cette nouvelle différenciation nous laissait perplexe, jusqu’à la découverte de ce guide d’appui :
Page 17 Accompagnement par un aidant familial
Le statut de l’aidant n’entre pas en ligne de compte pour l’attribution d’un temps d’aide à ce titre, il peut donc s’agir d’un aidant familial.
Cela voudrait il dire que dans d’autres circonstances, le « statut » de l’aidant entrerait en ligne de compte ?…. Mais oui :
Page 18 : Participation à la vie sociale
De même, les activités faites habituellement en famille ou en couple (spectacles, promenades, visites dans la famille, …) ne doivent pas être systématiquement valorisées dans le cadre de la participation à la vie sociale et il conviendra d’analyser cet élément en fonction de chaque situation.
Page 22 : Concernant les interventions de nuit, il est difficile de généraliser leur valorisation qui devra tenir compte de la situation concrète de la personne.
Par exemple, si l’aidant habite sur place (en général un proche familial) seul le temps de l’intervention proprement dite sera pris en compte. Si l’aidant vient de l’extérieur (prestataire, garde itinérante de nuit …) les modalités concrètes de son intervention devront être prises en compte.
L’on comprend mieux maintenant la différence opérée entre les statuts d’aidant familial et d’aidant « extérieur ».
Les aidants familiaux sont déjà là ! L’on ne va quand même pas « valoriser » (rien que le mot m’amuse, 3.75 euros / heure) les moments passés avec leur conjoint(e) ou enfants ou parents !
Que peuvent savoir ces pseudos professionnels pour certains d’entre eux (et là encore je peux fournir des exemples concrets) des moments passés à attendre que tout aille mieux, et attendre encore le moment où il faudra réintervenir auprès de la personne aidée, des temps passés à préparer la personne aidée pour sortir, s’assurer que tout le matériel nécessaire est bien dans le véhicule, anticiper les temps de transferts pour ne pas arriver en retard, parce que rien n’est jamais simple et tout cela ne se trouve nulle part dans les fichiers Excel.
Ce constat lamentable relève de l’inhumain et de l’indigne, alors que l’on entend parler partout et de plus en plus de « l’aide aux aidants »
Je suis ce que l’on appelle un « aidant familial » et quand je parle de simple, double ou triple peine, tous les aidants familiaux me comprendront.
Je vis avec mon épouse handicapée 24h/24, même si bien entendu nous avons des heures d’aide humaine.
Je dis souvent que même si je « vis » avec une personne handicapée, de surcroît mon épouse, je ne perçois pas ses besoins et ses attentes comme elle seule, peut le faire. Je ne suis pas « handicapé » et ça change tout, je ne connais qu’une infime partie de ce qu’elle peut ressentir.
J’avais déjà du mal à admettre que des personnes, même soi disant formées soient capables en quelques moments de visite, d’appréhender la totalité des besoins (surtout lorsqu’ils sont non-dits).
Maintenant que je découvre que l’équipe pluridisciplinaire (suite au rapport fourni par l’évaluateur, pas forcément présent par ailleurs au moment du remplissage des tableaux) n’a plus qu’à compléter un fichier EXCEL pour décider de la vie de la personne handicapée, ou plutôt de « l’handicapé » qui est dans leur dossier, excusez-moi…mais j’ai presque envie de vomir !
Je n’invente rien, car j’ai vécu tous ces moments en « défendant » des personnes handicapées et je continuerai, c’est sans doute mon « projet de vie », face à ceux qui ignorent même ce terme, qui n’apparaît à aucun moment dans ce guide.
Pour la CHA
Yves Mallet
Correspondant Régional Bretagne
Coordination Handicap et Autonomie